• ▫Aidons le, il va se noyer !


    Quand on est revenu s'installer dans le coin, on a essayé de fédérer les gens et de les sensibiliser aux thèmes du réchauffement climatique...Nous avons même monté une petite association dans ce but... et je m'étais bien creusée pour dessiner un truc susceptible de nous servir de logo : La terre en feu et en souffrance et quatre bonhommes qui courraient pour tenter de lui venir en aide et la soutenir...

    Huile : Aidons le, il va se noyer !On a même fait une exposition sur le sujet "La planète chauffe, et moi, je fais quoi ?" qui avait pourtant attiré un peu de monde, faut dire qu'on avait démarché toutes les écoles, on y croyait tant...

    Ce pauvre ours blanc m'a même servi pour orner le flyer qu'on distribuait à tout le monde lors de cette exposition :

    Huile : Aidons le, il va se noyer !

    Mais nous perdions notre temps dans cette contrée où grandes piscines et énormes 4x4 fleurissent à chaque coin de rue... et faute de participants, et de soutien des édiles, nous avons baissé les bras et pourtant :

    Nous y sommes

    Nous y voilà, nous y sommes.

    Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l'incurie de l'humanité, nous y sommes.

    Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l'homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu'elle lui fait mal.

    Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d'insouciance, nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l'humanité tandis que le reste était à la peine.

    Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l'eau, nos fumées dans l'air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu'on s'est bien amusés.

    On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l'atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.

    Franchement on s'est marrés. Franchement on a bien profité.

    Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu'il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.

    Certes. Mais nous y sommes. À la Troisième Révolution, qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu'on ne l'a pas choisie.

     « On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.

    Oui. On n'a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C'est la mère Nature qui l'a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies. La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d'uranium, d'air, d'eau.

    Son ultimatum est clair et sans pitié :

    « Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l'exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d'ailleurs peu portées sur la danse). Sauvez-moi, ou crevez avec moi. »

    Évidemment, dit comme ça, on comprend qu'on n'a pas le choix, on s'exécute illico et, même, si on a le temps, on s'excuse, affolés et honteux.

    D'aucuns, un brin rêveurs, tentent d'obtenir un délai, de s'amuser encore avec la croissance. Peine perdue.

    Il y a du boulot, plus que l'humanité n'en eut jamais.

    Nettoyer le ciel, laver l'eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l'avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, – attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille – récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n'en a plus, on a tout pris dans les mines, on s'est quand même bien marrés).

    S'efforcer. Réfléchir, même.

    Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire. Avec le voisin, avec l'Europe, avec le monde.

    Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.

    Pas d'échappatoire, allons-y.

    Encore qu'il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l'ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante, qui n'empêche en rien de danser le soir venu, ce n'est pas incompatible.

    À condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie – une autre des grandes spécialités de l'homme, sa plus aboutie peut-être.

              À ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.

              À ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

     

    Ce magnifique texte est de Fred Vargas

    Archéologue et écrivain


    et pour finir, sans changer de sujet mais dit  si joliment, regardez un peu ce mini clip et la terre criera HOURRA !


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